À l’heure où se joue l’avenir démocratique du monde arabe, les
aspirations tunisiennes et arabes de façon générale, sont de deux
tendances : un penchant progressiste moderne, et un autre nourri d’une
obsessionnelle régression avec le rêve d’un monde soumis à la religion. Laquelle
va finalement triompher ? La position des Islamistes au pouvoir les met
dans une situation fragile qui démontre d’ores et déjà leur incapacité à
diriger des peuples épris de libertés et de démocratie, aspirant à recouvrir
les Devoir Fondamentaux de l’Homme.
Nous assistons à un projet de
transformation de la société tunisienne, étonnés, ahuris, scandalisés et
choqués par ce qui se passe depuis l’arrivée des Islamistes sur la scène politique.
Pays moderne, considéré comme la
Grèce de l’Afrique du nord, la Tunisie a, et demeure encore le fleuron des
acquis fondamentaux quant aux droits de la femme, à l’éducation et à
l’ouverture au monde. Aux confluents de l’Europe, de la méditerranée, de
l’Orient et de l’Afrique, la Tunisie s’affiche, fidèle à son histoire, une
mosaïque des civilisations, un monde où toutes les cultures s’y sont intégrées
sans réticences aucunes, parce qu’elles y ont trouvé la chaleur du climat et
des peuples qui l’ont habité. C’est mon pays.
Les Islamistes, toutes tendances
confondues, sont des individus dogmatiques, leurs préoccupations
majeures : changer les mentalités, opprimer et inférioriser les femmes,
instituer la charia, créer une société selon les préceptes coraniques,
participer à instaurer un VIème califat, projet d’envergure des régimes
islamistes qui se mettent en place en Egypte, en Lybie, au Maroc, au Yémen et
sans doute bientôt en Syrie et en Algérie. C’est la course vers l’obscurantisme
à qui mieux mieux.
Que voit-on au jour le
jour ?
Les quartiers sont investis de
barbus pour la majorité incapables d’une réflexion sérieuse sur la réalité,
passionnés par la vie et l’itinéraire d’un Prophète dont ils sacralisent
l’apport et la pensée, aveuglés par leurs instincts primaires où la femme
semble prendre une place de choix, vivant dans un univers où le passé islamique
est à la fois leurs présent et futur. Tout se confond en un seul et unique
versant. Aucune vision dialectique ou raisonnée de l’histoire, l’unique et
perpétuelle histoire qu’ils connaissent est celle de l’Islam. Leur monde
s’arrête et commence là, au VIème siècle de J-C, il va jusqu’à la déchéance des
Arabes après la chute du Vème califat… leur monde est sans perspectives,
immobilisé dans les rêveries d’un retour aux sources d’un Islam fort,
belliqueux, illuminé et hégémonique. C’est un rêve de barbarie dont ils font
l’exercice au quotidien contre les hommes et les femmes, contre la jeunesse qui
aspire à un futur de modernisme, de laïcité, de démocratie, une voie vers un
humanisme authentique où les dogmes religieux n’ayant plus de crédibilité, sont
relégués à la sphère personnelle, dans les mosquées, loin de la vie citoyenne
et même en rupture avec elle. Beaucoup d’entre eux sont revenus d’exil ou
relâchés des prisons suite à la chute du régime de Ben Ali.
Les Islamistes pratiquent une
politique complexe de répressions, régressions et obscurantismes. Ils profitent
de la démocratie pour s’installer, mais contestent ses pratiques et valorisations,
ses substance et réalisations. Bref, leur politique refuse d’admettre ceux qui
sont différents, qui ne sont pas Islamistes, qui ne sont pas ou ne se reconnaissent
plus dans l’Islam et ceux qui veulent que religion et politique soient séparés.
C’est l’image des Rhinocéros courant sur la scène d’Ionesco, où se trame la
critique de l’extrémisme fasciste, qui me revient à chaque fois que je
réfléchis sur la politique des religieux. Pourquoi, me diriez-vous ? Je
réponds d’abord par une phrase: je les ai vus se transformer.
Je réponds ensuite plus
longuement : la mutation culturelle est une idée inconnue chez les
Islamistes. Ils ont une vision égocentrique de la culture et de la civilisation
arabes. Tout en reconnaissant les autres religions du Livre, ils sont
convaincus que l’Islam en est l’apogée, et même une version parfaite du
monothéisme. Lorsqu’on lit la Bible, notamment l’Ancien Testament, après avoir
bien lu et bien connu le Coran, on se rend compte de l’intertextualité qui
relie les deux Livres. La réponse est facile : l’Arabie du VIème siècle
comptait beaucoup de tribus chrétiennes et des communautés hébraïques où même
certains camarades de Mahomet ont appris à lire et à écrire l’hébreux et
l’araméen, langues dominantes à l’époque, l’arabe n’ayant encore aucun système
codé et formant des dialectes divers. Ce sont les poètes préislamiques, à
travers une tradition orale longue de plusieurs siècles, qui ont déclenché et
développé la promotion de la langue arabe. Et il est assez visible, lorsqu’on a
découvert toute cette tradition, que même si le Coran est la première prose
poétique arabe, il s’inspire largement de la poésie préislamique qui l’a nourri
tout autant que les textes religieux hébraïques et chrétiens. Il ne s’agit là
d’aucune infériorisation du texte coranique, au contraire, cette brève
démonstration vise à le remettre dans son contexte originel et à en montrer la
richesse à la fois culturelle, littéraire et historique. Quant à la question de
savoir pourquoi le Coran est en versets et pas en vers, cela est facile, je
pense, il s’inspire dans sa forme prosaïque de l’Ancien Testament qui est lui
aussi en versets. Le Coran ne devait pas se confondre avec la poésie, même les
aèdes Quraychites qui ont classé Mahomet parmi les poètes furent massacrés à
une époque, pourtant elle y est présente avec force.
On voit donc, contrairement à la
vision immuable de l’histoire que proposent les Islamistes, toutes tendances
confondues, que les religions ne sont pas le produit d’un esprit statique, mais
en mouvement, en changement perpétuel. L’Histoire ne peut pas être ignorée dans
le but de servir les ambitions politiques de religieux chevronnés dont le
regard, au lieu de se poser sur les hommes qui la font, est constamment dirigé
vers le ciel, à la recherche de quelque miracle qui nous tomberait sur la tête
pour améliorer nos vies.
Pire encore, nos vies, si elles
ne s’améliorent pas, ou peu, ou même jamais, elles ne comptent pas, c’est la
vie après la mort qui est meilleure… La vie sur terre est un passage qui même
dans la misère, ne doit pas être méconnue, remise en question, nourrie de nos
révoltes et nos mécontentements. Elle doit se suffire à elle-même et on doit
s’y résigner. Dans une sorte de cercle vicieux, les Islamiques veulent
emprisonner les sociétés arabes qui se réveillent enfin, parce qu’elles
répugnent et refusent la dictature, toutes les dictatures désuètes, la
résignation, toutes les résignations aveugles, le dogme, tous les dogmes
précuits.
La transcendance absolue qui est
apparue avec la sémiticité, une des matières
fondamentales à côté de la sacralité et de la médiévalité du monothéisme, mettant l’homme en position de
faiblesse et de crainte, de fascination et d’obéissance absolues à un Dieu justicier
et centre-souverain du monde, ne peut plus fonctionner aujourd’hui en politique
et même dans la pensée humaine de façon générale. La souveraineté en politique
relève de la monarchie absolue, or les Islamistes viennent s’installer au
pouvoir dans des systèmes républicains qu’ils souhaitent transformer en
tyrannie nouvelles. Ces républiques veulent acquérir leurs droits les plus
fondamentaux et fonder un système juste et cohérent avec les réalités du monde
actuel.
C’est là que l’on voit clairement
la stratégie politique islamiste, fondée non une pragmatique du monde, mais sur
une transcendance : l’homme et le monde se trouvent dans une réalité qui
ne se définit que comme étant le signe de la réalité divine indivisible et
souveraine. Le projet islamiste est donc hégémonique et il ne peut pas en être
autrement. Pour ceux qui continuent à prôner un Islam modéré, je dirai
qu’aucune religion n’est modérée, car la religion est Passion et la modération
ne vient que de la Raison.
À ceux qui veulent définitivement
tourner cette page islamiste, je dirai qu’il est fondamental de reléguer les
religions à l’espace personnel en les séparant de la vie citoyenne et de la politique.
Il est temps de fonder une
éthique nouvelle où l’Homme aura enfin sa place dans l’Univers.
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