Consultations de pages de la semaine précédente

dimanche 4 décembre 2011


«je veux que chaque individu participe à l’œuvre de construction, comme il a participé à la lutte qui nous a donné cette victoire.
Il faut que chacun mette sa pierre dans l’édifice commun et sente le mérite qu’il a acquis en participant à la libération de la Patrie et à sa construction. Ce mérite n’est pas l’apanage de Bourguiba ou Ben Youssef seuls, mais celui du Peuple entier.Cette victoire sur nous-mêmes, ces rangs serrés, cette abnégation pour le bien de la collectivité, c’est le grand acquis ; il dépasse en valeur l’autonomie interne et externe, toutes sortes d’autonomie, car il est la voie qui va nous donner une position dans le monde et nous mènera au sommet atteint par les peuples développés » 


Habib bourguiba. Discours du 7 juillet 1955



« Quand tant de pays démunis consacrent la moitié de leur budget à entretenir des armées de prestige, c’est pour nous une vive satisfaction de constater que la côte d’Ivoire met, à l’instar de la Tunisie, la scolarisation au premier rang de ses préoccupations. Nous sommes tous deux convaincus que l’éducation est un investissement prioritaire. L’homme n’est-il pas l’artisan et en même temps, la finalité de la promotion nationale ? Notre souci commun est d’agir sur les structures mentales du citoyen et de modeler un homme nouveau dans une société de progrès » Habib Bourguiba, discours d'Abidjan, 30 novembre 1965. aujourd'hui, à la même période ou presque, les priorités politiques sont devenues religieuses... la recherche d'une identité qui n'est pas celle de la Tunisie et dont le but est de faire table rase de tous nos acquis, de notre mozaïque culturelle, de notre identité profonde. L'Islam n'est pas l'unique objet qui nous lie à la Tunisie et au monde, il est même inutile lorsqu'on n'y croit plus, c'est ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes qui change notre regard et nous pousse vers le progrès.  

samedi 12 novembre 2011

HDhaouadiblog:

hendablog
Ma Tunisie sous un régime politique islamiste: je m'indigne !!











Carthage: Les Thermes d'Antonin

 Musée du Bardo, Mozaïque romaine de Poséidon

 Les Thermes d'Antonin, Carthage



Le Président Habib Bourguiba



Habib Bourguiba et Léopold Sédar Senghor 1970 Niamey
Pères fondateurs de la Francophonie avec Hamani Diori






J’ai vu durant des années les mosquées se remplir de jeunes pratiquants sous le régime de Ben Ali. Des jeunes critiquant les réformes élaborées par Habib Bourguiba dès 1956, et présentant comme argument unique la perte de notre identité arabo-musulmane, de notre culture islamiste !!
Je les ai entendus dire des méchancetés perpétrées par Ben Ali et sa politique de répression, des ragots sur un homme qui a édifié la Tunisie moderne, qui a élevé très haut, dans tous le monde arabe, la femme tunisienne, en lui donnant le droit de vote, du divorce, du travail et de l’instruction au même titre que les hommes, qui lui a permis de choisir son époux et de participer activement à la vie économique, sociale et politique de son pays. Il lui a donné une dignité, car, pour lui, sans dignité, point de progrès humain. La dignité vient de la conscience de soi et cette conscience était déjà très tôt naissante en Tunisie …

D’où vient cette tendance chez les jeunes nés entre 1980 et 1990, de penser leur identité d’un point de vue unique : celui de l’arabité et de l’Islam en occultant l’héritage antique de la Tunisie, celui de Carthage, de ses piliers dont le beau fils de ZABA a décoré ses palais ?


Occulté la Tunisie  habitée d’abord par un peuple qui était berbère, avec une culture berbère, une langue berbère, qui a subi les invasions de plusieurs pays étrangers dont les Grecs, les Vikings, les Puniques, les Romains, les Arabes, les Italiens, , les Turcs, les Français, tout un héritage que l’on retrouve dans le nom des villes de ce petit pays grand de son histoire. J’ajouterai aussi les communautés juives, russes, italiennes et espagnoles qui se sont progressivement et à des périodes différentes installées en Tunisie pour sa position stratégique sur la Méditerranée.

Dans quel but cherche-t-on à se borner aux Arabes et à l’Islam ? Ce n’est pas parce qu’on pratique une religion quelconque que cela doit avoir un effet dévastateur sur notre identité.


La Tunisie fait partie du monde arabe par sa langue, non par sa géographie, mais il n’y a pas que des musulmans, il y a des chrétiens, des juifs, des personnes non-croyantes ou athées, des laïques… et probablement des bouddhistes et j’en passe.

Nous sommes face à une nouvelle ère où le fondamentalisme religieux développé, par des islamistes depuis les années 60, en Tunisie et au-delà en Europe et au Moyen-Orient, a largement infiltré les esprits. C’est une maladie identitaire qui nie toute divergence, toute diversité, toute tolérance, toute liberté individuelle, toute perspective politique de reconstruction et d’édification, toute politique de l’Homme. C’est la politique du dieu musulman qui s’impose tout d’un coup et qui cherche, comme un ouragan sans fin, à envahir ma Tunisie, laïque, libre, révoltée, tolérante. Une Tunisie qui, malgré le pillage de ZABA et son épouse continue de se battre, se cherche et veut une démocratie fondée sur la laïcité de l’État, la modernité, le progrès, l’égalité, la parité, une Tunisie juste pour ses hommes et ses femmes.
Ne pouvant me battre de mon côté que par mes écrits, je voudrais ici le dire tout haut : 


JE M’INDIGNE contre ce choix d’une partie du peuple pour un parti islamiste, intégriste et fondamentaliste lors du vote pour la Constitutionnelle !


JE M’INDIGNE contre cette épidémie d’islamisme fondamentaliste qui gagne mon pays natal comme un grand mal surgissant, avide de pouvoir, un pouvoir tellement rêvé, tellement échafaudé, tellement chéri et espéré, l’occasion de renforcer celui des Émirs et vieux cheikhs de l’Islam…L’occasion pour le Moyen-Orient, avec ses Émirs, Rois et Sultans, pris au dépourvu par cette vague dévastatrice de liberté submergeant le monde arabe en ébullition et l’islam modéré qui représentent un danger pour leur survie politique. 


Ces politiques gras de leur argent provenant du pétrole, ont nourri des fondamentalistes islamistes trop longtemps reniés par leur peuple qu’ils ont, par le passé, terrorisé, parmi lequel ils ont massacré des innocents, reniés par la vague humaniste occidentale qui refuse que les extrémismes ne les replongent dans l’obscurantisme et les guerres. 


L’exemple le plus illuminant de ces pays du Moyen-Orient est le Qatar, riche de son pétrodollar, qui aide généreusement le mouvement islamiste Al-Nahdha et le porte haut dans les élections de la nouvelle Constitutionnelle : des ambitions cachées de remettre la polygamie, interdire tout écart aux valeurs de la charia islamique, mettre des hommes au pouvoir en montrant des femmes voilées d’autres affichant un modernisme d’apparence, dans ce parti qui joue sur un double discours à la fois moderniste d’ouverture sur les acquis de la Tunisie, et rétrograde celui de l’Islam retrouvé. Il lâche ses chiens, considérés comme des soldats de l’Islam. Les wahhabites et les salafistes font une alliance secrète pour propager la terreur et pousser les personnes réticentes et farouchement opposées à l’islamisation de la constitution tunisienne, fières de leur liberté et de leur ouverture au monde. 


Hier encore[1] des femmes de la police tunisienne ont été publiquement agressées. Des enseignantes dans le supérieur sont chassées de leurs cours par des étudiants et étudiantes appartenant à des courants fondamentalistes religieux apparentés à Al-Nahdha et aux salafistes, violentées et traitées avec le plus grand irrespect du monde ! C’est ainsi que l’événement de l’Ecole de Commerce de Tunis a marqué les enseignants du supérieur qui ont manifesté publiquement pour exprimer leur mécontentement exigeant le respect de l’espace universitaire. Des pétitions ont été signées afin d’interdire ce type de dérives et de rendre à l’Université sa liberté dans le respect de ses valeurs fondamentales et universelles. 


D’autres se mettent à détruire des monuments artistiques telle la statue d’une femme nue en plein centre de Tunis à l’Avenue Habib Bourguiba, brisée en mille morceaux en criant la grandeur de Dieu  À Aïn Draham, dans le nord de la Tunisie, un proviseur a décrété que toutes les filles doivent dorénavant venir au lycée voilées ou elles ne seront pas acceptées dans l’établissement ! Les femmes sont visées de façon particulière, une société de patriarches veut monter au pouvoir et sévir, asservir, briser toutes les libertés acquises, détruire tout l’héritage laissé par Habib Bourguiba dont les statues dans toute la Tunisie sont menacée notamment à Monastir où une manifestation d’indignation contre le patrimoine bourguibien et de dénonciation de la dictature islamiste aura lieu le 16 novembre prochain.

JE M’INDIGNE encore car les islamistes n’ayant pas fait la révolution, sont restés spectateurs sous les ordres de leur  « Émir » Ghannouchi, attendant d’en voir l’issue pour agir ensuite de façon très profonde sur l’esprit du peuple désemparé par l’état du pays. Ils sont sortis après la révolution pour faire des meetings que leur accordait le nouveau souffle de liberté envahissant le pays d’un coup… Ils ont lâché leurs frères djihadistes, ces salafistes barbus, habillés de Djellabas blanches ou grises, sur le peuple libre, ils ont semé panique et terreur, croyant avoir le droit de diriger et d’ordonner. Ils sont si sûrs d’eux-mêmes que la réalité qu’ils voient n’existe pas à leurs yeux, elle les dépasse, ils sont sortis après des années de sommeil agité pour se retrouver dans une époque qu’ils ne reconnaissent pas et dans laquelle ils ont du mal à s’adapter. D’où viennent-ils ? 
Pire encore, une bonne partie d’une génération formée en France, pays laïque, démocratique, pays des libertés fondamentales, valeurs apprises à l’école laïque, et qui sous la pression de la ghettoïsation dont ils sont victimes et actants, votent massivement pour Al-Nahdha encouragés par des islamistes regroupés sur le terrain et dans les cités pour à la fois contrecarrer la démocratie naissante en Tunisie et exprimer leur mécontentement de la politique française qui les minorise[2]


Les problèmes humains du 21ème siècle génèrent toutes sortes de questions menant fatalement aux violences, résurgence des fanatismes religieux et autres, répandant haine et talion dans les cœurs et les esprits. On s’attaque aux médias à tendances d’ouverture et de réformisme telles la télévision Nessma suite à la projection du film Persépolis traitant de la conception que se font les Tunisiens de la laïcité. 


Au cœur du modernisme naît l’obscurantisme, la régression, la tourmente, l’insécurité qui toutes guettent le futur de l’humanité. Où va-t-on ?




[2] Voir à ce point un article paru sur le web et qui a été publié quelques jours avant les élections constitutionnelles http://nawaat.org/portail/2011/10/18/medias-islamistes-les-anciens-du-regime-ben-ali-votez   

L’empereur du Qatar effectuerait une prochaine visite dans sa province de Tunisie !

L’empereur du Qatar effectuerait une prochaine visite dans sa province de Tunisie !

mardi 8 novembre 2011

Le 16 novembre 2011, j'organise une séance de dédicaces à l'occasion de la parution de mon livre chez Publibook: 


Le Pèlerinage oriental de Habib Bourguiba. Essai sur une philosophie politique. Février-avril 1965. 


http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782748367461 





Mausolée de Habib Bourguiba à Monastir. 



Venez nombreux à la Librairie Colbert, Mont Saint Aignan, dès 15h30. 
À Bientôt et au plaisir de vous y rencontrer 

lundi 24 octobre 2011


Un vaste retour de l'ignorance, une régression politique et culturelle: la Tunisie est-elle aux mains des islamistes religieux? 

Je l'avais pressenti tous les ans lorsque je rentrais en Tunisie l'été. Lorsqu'on est absent du bled pendant longtemps on est plus à même de voir rapidement les changements dans les mentalités des gens : beaucoup se mettent à pratiquer très jeunes, à se voiler, on se baigne avec des tenues bizarres et les femmes se cachent les jambes et les tailles à la plage, les hommes portent des shorts longs arrivant jusqu'au genoux et les petits bikinis en perte de vue, voire peu fréquentés.. Ah il y a aussi la mode de cette année: des petits foulards de plages accrochés à la taille et cachant les hanches des filles et des femmes, sans parler de celles qui se baignent avec leur longues robes et voiles.. ces tenues sont tellement  fréquentes et on prend soin à choisir les tissus, les couleurs et pire certaines ont choisi le noir !! Les jeunes quant à eux affluent dans les mosquées et pensent y avoir retrouver la paix !! Le retour à ces pratiques qui en fait n'ont jamais été celles de nos parents et grand-parents est un signe flagrant de régression à la fois culturelle, civilisationnelle, politique et pire mentale. Les jeunes tunisiens sont-ils aussi naïfs, eux qui sont sortis dans la rue pour demander un état démocratique. Malheureusement, la démocratie n'est pas un système parfait, Aristote le rappelle dans Les Politiques, car cela donne au peuple le droit de faire de mauvais choix qu'il finit par regretter. Si le peuple tunisien a choisi des religieux en masse dans la Constitution c'est lui et uniquement lui qui en sera responsable, il paiera  pour ses mauvais choix et ne s'en prendra quà lui-même !! Voilà la démocratie à la tunisienne encore un long long long chemin devant nous ... apprenons à en maîtriser les abus et pensons à un avenir plus radieux.. Les religions ne sont que des objets et sources de conflits, rien ne changera jamais la mentalité des peuples guidés par une force transcendante. Ils sont victimes de leurs fatalismes, de la prédestination et de ces choses écrites considérée comme des doctrines que rien ni personne ne doit changer. 

mercredi 12 octobre 2011

En ces moments où la Palestine attend le verdict des NU, voici en exclusivité le discours du Président Habib Bourguiba prononcé à Jéricho en 1965. J'ai fait son analyse complète dans ma thèse de doctorat soutenue à l'Université Jean-Monnet de Saint Etienne le 20 octbre 2006. Un texte fondateur qui me rappelle aussi ce grand jour où j'ai présenté devant un jury de cinq personnes éminentes ma recherche. 
Je l'ai également revu et réécrit pour faire partie de mon dernier ouvrage paru chez Publibook. com et qui s'intitule: Le Pèlerinage oriental de Habib Bourguiba. Essai sur une philosophie politique. Février-avril 1965. Comme on a si souvent rappelé ce texte de Bourguiba, je me suis permise de le publier ici sur ma page. Non pas pour réveiller des haines ou des admirations, mais pour simplement le mettre sous l'oeil 
d'un lecteur lucide, intelligent analysant sans préjugés une pensée. 

Bourguiba s'est imprégné des Lumières: Kant, Hegel, J.-J. Rousseau, Montesquieu et Voltaire ont forgé sa pensée et sa politique, sans oublier Henri Bergson et sa philosophie privilégiant le côté spirituel chez l'homme, revalorisant l'intuition et la subjectivité inhérente à l'humanité dans un synchrétisme inégalable avec la Raison. Cette Raison, il l'a doit à Aristote, Al-Ghazâli, Ibn Rushd et tant d'autres philosophes du monde arabe et musulman.L'orateur juge sévèrement la démagogie de certains gouvernants. Pour lui, un pacte social et moral n'annihilant pas les doits des individus et conservant les biens civils doit être faits, ce qui va de pair avec la théorie politique de John Locke, philosophe des Lumières dont les idées sont au fondement du libéralisme politique pour qui, le pouvoir étatique doit assurer les droits naturels de l'homme et se montrer tolérant. La fonction de l'Etat et du chef de l'Etat est bien de respecter les droits des individus dans la société. Il doit donc se munir de raison et de lucidité, de tempérence et de justice lui permettant d'être à la fois à l'écoute des besoins des peuples et capable d'agir dans la tolérance. Grâce à cela, le discours de Jéricho est non seulement la trace et l'expression d'une pensée profondément humaniste, puisque Bourguiba appelle au dépassement des passions pour atteindre la raison, mais aussi d'une action politique et d'une grande réforme de l'Esprit. 

Très bonne lecture à tous.

"Chers frères,

Je ressens en ce moment un double sentiment d’émotion et de fierté. Ému, je le suis lorsque je pense à l’ampleur du désastre que nous avons subi en Palestine il y a dix sept ans. Mais en même temps, l’enthousiasme qui vous anime, la volonté farouche que je lis sur vos visages, la détermination à reconquérir vos droits, tout cela me réconforte et consolide mon optimisme.

Vous savez sans doute que le peuple tunisien alors qu’il menait encore une lutte âpre contre la forme la plus abjecte du colonialisme, a tenu à apporter sa contribution dans la guerre de Palestine. De tous les coins de Tunisie, jeunes et vieux sont accourus ici pour prendre effectivement part à la lutte dont l’enjeu était d’assurer l’intégrité d’une terre arabe et musulmane qu’ils considéraient comme leur seconde patrie. Le peuple tunisien a pu, au bout de vingt ans de lutte fonder un État solide et moderne sur une terre d’Islam débarrassée de toute co-souveraineté et de toute forme de domination politique ou militaire.

Mais nous pensons en Tunisie que notre action ne se circonscrit pas à l’intérieur de nos frontières, la Tunisie qui a combattu le colonialisme est consciente du rôle qu’elle doit assumer dans la libération de chaque pouce de la nation arabe demeuré encore sous l’emprise de l’étranger. J’avais déjà proclamé à la première Conférence au sommet arabe, que la Tunisie était décidée à mettre à la disposition de la cause palestinienne toutes ses potentialités. Je le proclame à nouveau aujourd’hui. Il est toutefois un point sur lequel je voudrais attirer votre attention : vous êtes les titulaires d’un droit violé ; à ce titre vous vous devez d’être à la première ligne du front ouvert pour la reconquête de la Palestine. Il est de mon devoir de vous entretenir en toute franchise d’un certain nombre de vérités que vous devez avoir présentes à l’esprit : D’abord votre rôle dans la lutte est primordial.

C’est ce que vous ne devez jamais perdre de vue. D’autre part, je voudrais dire, en ce moment où je m’adresse à tous les arabes partout où ils se trouvent que mon expérience personnelle, issue d’une dure et longue lutte, m’a appris que l’enthousiasme et les manifestations de patriotisme, ne suffisent point pour remporter la victoire. C’est une condition nécessaire. Mais elle n’est pas suffisante. En même temps que l’esprit de sacrifice et de mépris de la mort, il faut un commandement lucide, une tête pensante qui sache organiser la lutte, voir loin et prévoir l’avenir. Or la lutte rationnellement conçue implique une connaissance précise de la mentalité de l’adversaire, une appréciation objective du rapport des forces afin d’éviter l’aventure et les risques inutiles qui aggraveraient notre situation.

Il faut donc nous armer de lucidité, élaborer soigneusement nos plans et créer toutes les conditions de succès. Il faut préparer les hommes et les doter de moyens. Il faut renforcer notre potentiel de lutte par l’appui de l’opinion internationale. Éviter toute précipitation dictée par la passion, agir avec discernement, en vue d’arriver au but, voilà l’essentiel.

Si toutes ces conditions sont réunies, alors notre cause triomphera, d’autant plus sûrement que le Droit est de notre côté. C’est aux responsables qu’il revient de réunir les atouts du succès. Ces atouts nous manquaient lorsque nous avions, il y a quelques années engagé la bataille, cette fois, c’est sans répit qu’il faut travailler pour les réunir. Nous devons profiter des expériences passées et nous imposer un grand effort de réflexion. Déjà nous sommes sur la bonne voie ; mais la voie est longue. Pour aboutir au but, notre action exige loyauté, sérieux et courage moral.

Il est extrêmement facile de se livrer à des proclamations enflammées et grandiloquentes. Mais il est autrement difficile d’agir avec méthode et sérieux.
S’il apparaît que nos forces ne sont pas suffisantes pour anéantir ou le bouter hors de nos terres, nous n’avons aucun intérêt à l’ignorer, ou à le cacher. Il faut le proclamer haut. Force est alors de recourir, en même temps que se poursuit la lutte, aux moyens qui nous permettent de renforcer notre potentiel et de nous rapprocher de notre objectif par étapes successives. La guerre est faite de ruse et de finesse. L’art de la guerre s’appuie sur l’intelligence, il implique une stratégie, la mise en œuvre d’un processus méticuleusement réglé.
Peu importe que la voie menant à l’objectif soit directe ou tortueuse. Le responsable de la bataille doit s’assurer du meilleur itinéraire conduisant au but. Parfois, l’exigence de la lutte impose contours et détours.

Il est vrai que l’esprit s’accommode plus aisément de la ligne droite.

Mais lorsque le leader s’aperçoit que cette ligne ne mène pas au but, il doit prendre un détour. Les militants à courte vue pourraient penser qu’il a abandonné la poursuite de l’objectif. Il lui revient alors de leur expliquer que ce détour est destiné à éviter l’obstacle contourné , la marche reprend sur la grande route qui mène à la victoire.

Plus d’un leader arabe s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir de cette manière. Pourtant, notre défaite et l’arrêt de nos troupes aux frontières de la Palestine prouvent la déficience de notre commandement. L’impuissance des armées à arracher la victoire malgré l’enthousiasme des combattants était due à ce que les conditions de succès n’était pas réunies.

Aujourd’hui , les chefs d’État travaillent sérieusement à mettre en place un commandement qui soit au niveau de ses responsabilités. Mais cela ne saurait suffire. Il est nécessaire que les peuples se gardent de gêner, par des débordements passionnels, l’action des dirigeants. Il ne faut pas que leur attachement obstiné à une certaine ligne de conduite mette les responsables politiques en difficulté pour l’exécution de leurs plans. Il ne faut pas qu’on accuse de défaitisme ou de compromission tel ou tel leader arabe parce qu’il a proposé des solutions partielles ou provisoires si celles-ci représentent des étapes nécessaires sur la voie de l’objectif.

Mais pour que le peuple ne gêne pas ou ne tasse pas échec à l’exécution des plans arrêtés, il est nécessaire – comme c’est le cas en Tunisie- qu’il ait confiance en ses dirigeants. Disposant ainsi de leur liberté d’action, ceux-ci sont en mesure d’avancer plus sûrement vers l’objectif. Il m’est souvent arrivé de me trouver dans l’obligation pour être maître de certaine situations, de recourir à la « politique des étapes ».

Lorsque certains militants faisaient preuve de réticences, je m’efforçais de les convaincre que ma méthode ne pouvait déboucher que sur la victoire surtout lorsque apparaissaient chez l’adversaire des signes de faiblesse. Il fallait alors ébranler ses positions de force, entamer son moral et en même temps renforcer d’avantage notre position.

Quant à la politique du « tout ou rien », elle nous a mené en Palestine à la défaite et nous a réduits à la triste situation où nous nous débattons aujourd’hui.

Nous n’aurions en aucune façon réussi en Tunisie si nous avions abandonné cette politique et accepté d’avancer pas à pas vers l’objectif. Á chaque pas, à chaque conquête par le peuple tunisien d’une nouvelle disposition stratégique, la France cédait une partie de ses privilèges ; pour elle, c’était un moindre mal. Elle s’imaginait pouvoir ensuite arrêter le processus. Mais à chaque point stratégique conquis augmentaient d’avantage nos moyens d’action. Le processus devenait ainsi absolument irréversible. Ainsi, pas à pas, la France s’est trouvée acculée à la dernière bataille, la bataille de Bizerte où elle ne pouvait que céder définitivement.

En Palestine, au contraire, les Arabes repoussèrent les solutions de compromis. Ils refusèrent le partage et les clauses du Livre blanc. Ils le regrettèrent ensuite.
Si nous avions, en Tunisie refusé en 1954, l’autonomie interne comme solution de compromis, le pays serait demeuré jusqu’à ce jour sous la domination française.

Il est donc essentiel que le commandement ait la liberté de manœuvre, qu’il soit capable de prendre telle ou telle initiative et qu’il ait des qualités de sincérité, de probité, de dévouement et de clairvoyance.

Je tenais à vous faire part de ces réflexions en tant que frère rompu depuis longtemps à la lutte anticolonialiste. J’ai inculqué les notions que je viens de vous exposer à vos frères tunisiens qui ont fini par adhérer à tous mes plans d’action.

Il leur est arrivé parfois d’en éprouver un certain malaise. Malgré cela, ils ont accepté de s’engager sous mon impulsion dans telle ou telle expérience car ils ont mis à l’épreuve mon dévouement et ma clairvoyance. Ils ont constaté les résultats. Aujourd’hui nous sommes libres et indépendants.

Voilà ce qu’un frère a voulu dire à l’occasion de cette visite. Voilà le conseil que je crois devoir vous donner ainsi qu’à tous les Arabes. Il est nécessaire d’appuyer les sentiments et l’enthousiasme par une vision claire des données du problème, pour que notre action soit pleinement efficace.

C’est cet homme en tout point désintéressé qui vous le dit, un homme dont vous ne pouvez contester la sincérité ni la profonde affection qu’il vous porte.
Nous arrivons au but. Nous n’aurons pas à passer dix-sept ou vingt années encore à nous lamenter vainement sur « la patrie perdue». Nous en tenir aux sentiments serait nous condamner à vivre des siècles dans le même état. Ce serait l’impasse.

Il faut que de la nation arabe, montent des voix pour parler franchement aux peuples, savoir que la lutte doit se poursuivre avec tout ce qu’elle comporte de détours, d’étapes, de ruses jusqu ‘au jour où nous aurons arraché, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les générations futures une victoire complète et définitive.

Je vous demande de méditer sur ces propos. Chacun de nous aura à rendre compte à Dieu et à sa propre conscience, de ses intentions et de ses actes. Mon vœu le plus cher est que les musulmans vivent dans une communion des cœurs encore plus étroite, que les dirigeants réalisent entre eux une meilleure compréhension et combattent tous les complexes de quelque sorte que ce soit : complexes d’infériorité vis-à-vis de l’ennemi dont on serait tenté de surestimer les forces, complexes de supériorité qui risqueraient de nous précipiter dans une catastrophe que nous pouvons sûrement éviter, grâce à un recours incessant à la raison et à l’intelligence".